Elisabeth BELMAS
JOUER AUTREFOIS
Titre |
Jouer autrefois: Essai sur le jeu dans la france moderne (XVIe-XVIIIe siècle) |
Auteur |
Elisabeth BELMAS |
Éditeur |
Champ Vallon |
Année
|
2006 |
Courte paume, balle à l’escaigne, tamis, pallemail, billard, trou-madame, galet, quilles, boules, volant, trictrac, échecs, dames, loto, jeu de l’oie, hoca, pharaon, biribi, lansquenet, piquet, hoc, triomphe, reversis, quadrille, impériale, flux, culbas, comète, whist : ce sont quelques-uns des innombrables jeux pratiqués dans la France moderne, du XVIe au XVIIIe siècle. Mais jouer n’y est pas si simple qu’aujourd’hui. L’Eglise et la loi surveillent de près jeux et joueurs, elles ne cessent de leur imposer des limites, car elles y voient une activité dangereuse, la première pour le salut des âmes, la seconde pour la tranquillité publique. Elles ne sont pas seules à s’en préoccuper, le théâtre et le roman des XVIIe-XVIIIe siècles mettent en scène les effets funestes de la passion du jeu, pendant que les mathématiciens s’en servent dans l’étude des probabilités et que les philosophes des Lumières en soulignent les dangers pour l’équilibre social. Leurs débats débouchent sur une conception très restrictive du jeu en général, dont il faudrait user comme d’une médecine, avec prudence et le plus rarement possible. Cependant, le jeu déborde constamment les limites que la loi et la morale voudraient lui imposer. Du XVIe au XVIIIe siècle, il se diversifie en jeux multiples, d’exercice, d’adresse, de hasard, de commerce, dont les formes évoluent constamment : si la courte paume décline au profit du pallemail et du billard, les échecs et les jeux de table prospèrent tandis que s’affirme l’éclatante fortune des cartes, employées à la fois dans des jeux de commerce et des jeux de hasard. Ces mutations reflètent la transformation du goût des élites, lesquelles préfèrent désormais des jeux qui ne compromettent pas leur dignité. Jouer dans la France moderne offre aussi maintes occasions de transgression, en particulier aux jeunes gens qui ce faisant expriment leur vitalité et leur impatience, sous l’œil tantôt sévère tantôt débonnaire des autorités de police. Enfin, le jeu représente une force économique méconnue jusqu’ici, qui fait vivre des corporations de métiers, rapporte de l’argent à l’Etat royal grâce au droit sur les cartes à jouer et à la loterie et sustente par la fraude une partie non négligeable de la population. Cette histoire du jeu dans la France moderne envisage l’activité ludique comme un phénomène social global. Elle montre qu’en parlant des sociétés, les jeux disent souvent la vérité.